Ce texte vient d’être publié dans le dernier numéro de novembre de l’un des plus anciens et des plus importants magazines de théâtre polonais, TEATR. Il a été traduit par Agnieszka Zgieb, que je remercie vivement. Lien pertinent vers le texte original ci-dessous:
https://teatr-pismo.pl/23713-podgoraczkowy-stan-teatru/
APERÇU / ÉTRANGER/Le 78ème Festival d’Avignon/Un théâtre en état de fébrilité/Tomasz Domagała/traduction Agnieszka Zgieb
La 78ème édition du Festival d’Avignon s’est heurtée à des problèmes politiques avant même de démarrer ; les autorités ayant demandé à la direction du festival de modifier la date de l’événement, en raison des Jeux olympiques de Paris, qui débutaient le 27 juillet. Cette demande concernait principalement l’implication des services de sécurité chargés d’assurer la sécurité des deux événements. Le festival a donc commencé une semaine plus tôt par rapport à d’habitude, le dernier samedi de juin, pour se terminer quelques jours avant la manifestation sportive. Ce n’est pas tout, car le début du festival, le 29 juin, tombait exactement la veille du premier tour des élections législatives anticipées, après la décision du président Emmanuel Macron de dissoudre l’Assemblée nationale.
La semaine entre les deux tours des élections (du 30 juin au 7 juillet) a été l’une des plus agitées de l’année, car le spectre d’un gouvernement d’extrême droite se profilait. La peur s’est également abattue sur le secteur culturel dans son ensemble et notamment du côté du théâtre, lequel se place, résolument, du côté de la liberté, de la tolérance et de la diversité. De ce fait, le théâtre s’est retrouvé dans une position très inconfortable. Ainsi, dans la nuit du 4 au 5 juillet, « La nuit d’Avignon » s’est tenue dans la cour du Palais des Papes, pour une veillée nocturne entre les artistes et le public. Au cours de cette mobilisation, la réalité politique a été fortement évoquée. Bien que cette réunion n’ait pas eu de retombées tangibles, elle a eu une grande importance symbolique, en montrant un front uni des « gens de bonne volonté » contre la menace. Le deuxième tour des élections a été remporté par le Nouveau front populaire de gauche. Un grand soulagement s’est fait sentir en Avignon, et le festival a revêtu une dramaturgie inattendue, se divisant entre ce qui a précédé le 7 juillet et ce qui l’a suivi. Force est de constater que l’avant fut bien plus intéressant que l’après. En effet, la communauté avignonnaise s’est soudain retrouvée dans un climat proche d’un état fiévreux. Après le 7 juillet, il s’est avéré que l’alerte était fausse, tout est donc rentré dans l’ordre, et le théâtre s’est concentré sur lui-même.
L’édition 2024 du Festival s’articulait autour du thème « Chercher les mots ». La déclaration officielle du directeur Tiago Rodrigues était pleine des phrases toutes faites sur la « lutte pour la liberté d’exploration des artistes » et la « découverte de l’inconnu », « l’éveil des sens » ou « l’amour de la différence ». Le dernier paragraphe de sa déclaration, qui commence par les mots « nous demandons le droit de célébrer la recherche collective des mots », semblait déjà passablement belliqueux, surtout dans la situation sociopolitique actuelle. Une nouveauté dans la programmation a été « la langue invitée ». Pour cette édition, ce fut l’espagnol. L’année prochaine, ce sera l’arabe. La formule a permis à Tiago Rodrigues de montrer l’étendue de la richesse et de la diversité du théâtre hispanophone. Le festival s’est ouvert sur une production strictement espagnole, un spectacle de la plus grande star venue du pays de Cervantes, Angélica Liddell. On a pu voir Juana ficciàn, performance remarquable de la danseuse et chorégraphe madrilène La Ribot, réalisée en collaboration avec le musicien et compositeur Asier Puga. On a pu assister à un concert de l’excellente chanteuse, spécialisée dans le jazz et le flamenco, Sílvia Pérez Cruz. Les Argentins étaient assez nombreux, avec en tête le charismatique queer-camp Tiziano Cruz qui, dans ses productions en apparence colorées et joyeuses (Soliloquio et Wayqueycuna), a défendu les droits des laissés-pour-compte durant la colonisation espagnole de sa patrie et la construction de l’Argentine qui s’en est suivie. Une stratégie similaire a été adoptée par l’écrivaine, metteuse en scène et réalisatrice argentine Lola Arias, qui, dans son spectacle Los días afuera, a fait du sort des femmes cis et des personnes trans, l’objet de ses préoccupations, en les habillant du costume glamour d’une comédie musicale. L’Uruguay était représenté par Tamara Cubas avec son spectacle féministe Sea of Silence, basé sur le récit biblique de la femme de Lot et traitant de la migration féminine, tandis que Gabriel Calderón a présenté Història de un senglar, basé sur Richard III de Shakespeare, avec une excellente interprétation de l’acteur catalan Joan Carreras. Il convient de mentionner aussi l’interprète et metteuse en scène Chela De Ferrari, connue en Pologne, par exemple, pour son formidable Hamlet au Teatro La Plaza de Lima. Elle a proposé un spectacle d’après La mouette de Tchekhov, sous le titre La gaviota, réalisé en coopération avec le Centro Dramático Nacional de Madrid. Chela De Ferrari, cette fois, a fait appel à des acteurs malvoyants et aveugles.
Le spectacle d’ouverture, présenté comme d’habitude dans la fameuse cour du Palais des papes, était la dernière production d’Angélica Liddell, DÄMON. Les funérailles de Bergman. Ce spectacle a eu une résonance particulièrement morose. La scène de l’enterrement d’Ingmar Bergman était poignante, d’autant plus qu’elle apparaissait comme une sorte de grand final, mettant fin non seulement de la vie terrestre du grand metteur en scène ou de logorrhée à la Cassandre de Liddell. C’était également, dans un sens symbolique, comme un adieu anticipé au monde que ces deux artistes représentent. La cérémonie funéraire était conduite, en suédois, par une femme pasteur. Autour du modeste cercueil en pin, les parents, les amis du cinéaste et le public se rassemblaient. Conformément aux souhaits du défunt, la cérémonie était interrompue, à plusieurs reprises, par des morceaux de musique, essentiellement des compositions de Bach, interprétées par une chorale et un violoncelliste de renommée mondiale. Nous ne les entendons cependant pas, car la metteuse en scène espagnole les étouffait efficacement, avec le bruit des bombes qui tombent ou des sirènes d’alarme. L’effet était électrisant, car en juxtaposant une modeste cérémonie de deuil intime à la puissance de la machine de guerre, Liddell ne nous faisait pas tant prendre conscience du monde dans lequel nous vivons, qu’elle ne nous permettait d’y passer un peu de temps. Au passage, elle constatait avec tristesse que dans ce nouveau monde, il n’y a plus de place ni pour Bach, ni pour le violoncelliste ni pour Bergman. Il y a encore de la place pour Liddell, mais elle pratique une forme de théâtre tout à fait différente, adaptée au monde frénétique dans lequel elle est amenée à évoluer. Son socle, surtout dans DÄMON, n’est plus la narration linéaire et métaphorique majestueusement menée chez Bergman, mais une narration théâtrale convulsive, en forme de collage à partir de mots, d’images et d’associations. Cette logorrhée théâtrale sans complaisance — lecture de la transcription de la réalité ici et maintenant — semble difficile à apprivoiser tant par l’artiste que pour le public, perdu dans le chaos informationnel. Liddell l’a bien compris. C’est pourquoi elle endosse, de manière provocante les habits d’une Cassandre contemporaine « babillarde », en accord avec les stéréotypes évoqués à propos de son travail. Ces quarante minutes de spectacle, où l’artiste règle ses comptes semblent être un jeu malin avec les attentes du public et leur commentaire ironique. Ce jeu a également un revers : il s’agit d’une tentative d’extérioriser l’essence de nos peurs, de nos désirs, de nos attentes contemporaines. Enfin, il s’agit d’une mise en avant du personnage joué par Liddell et du monde dont elle et nous, son public, sommes issus. Le monde de la « veuve de Bergman », qui a compris qu’avec l’âge de son cercueil, une époque, historique et culturelle s’est également refermée. Les récits, les protagonistes et les modes de narration sont désormais différents, tout comme les besoins du public et les objectifs de la création artistique. Le monde dont nous parle Liddell est terrifiant, mais nous voyons combien il suffit de peu de choses pour que les pires scénarios se réalisent. DÄMON est ainsi devenu le prologue poignant et pessimiste de l’ensemble du festival, avec des spectacles programmés, par la direction, dans une tout autre situation et pour des raisons totalement différentes. C’est le cas du spectacle mis en scène par Tiago Rodrigues lui-même, Hécube, pas Hécube (coproduction du Festival d’Avignon et de la Comédie-Française). C’est admirablement composé, à partir de deux récits : celui d’Euripide, tiré de la tragédie Hekábê, et celui, contemporain, emprunté à la vie de l’actrice Natacha Koutchoumov. La protagoniste de la pièce, l’actrice Nadia, commence à peine les répétitions de la tragédie d’Euripide avec ses camarades, tandis que dans la sphère privée, elle se bat pour que son fils autiste ait droit à une vie normale. Et si, au début, l’histoire d’une reine qui a tout perdu à cause de la guerre de Troie et qui ne se bat que pour la justice et la dignité nous semble trop littéraire (convention des répétitions théâtrales), au fil du temps, cela acquiert de la force, dès que l’héroïne trouve l’inspiration nécessaires pour se battre avec ses propres objectifs, proches de ceux d’Hécube. Le spectacle a été présenté dans la Carrière Boulbon, à 17 kilomètres d’Avignon. Le thème étant la lutte pour l’égalité des droits et la tolérance envers l’autre — soit l’un des récits idéologiques favoris attaqué par des nationalistes — on peut imaginer qu’ici, dans la France de Le Pen, les comédiens de la Comédie-Française doivent retourner dans les carrières pour poursuivre leur mission de théâtre ouvert. Ils montent donc un spectacle « interdit » pour une poignée d’initiés élus. En fait, le combat de la mère d’un enfant autiste contre la société et l’État oppresseur semblait encore plus difficile, et dramatique, dans cette situation.
La performance de l’artiste argentin Tiziano Cruz Soliloquio, présentée dans le cadre de la langue espagnole, a également acquis une seconde signification. La représentation est divisée en deux parties : une dans l’espace urbain, procession colorée dans une cité avec la participation d’émigrants locaux avignonnais, et l’autre dans le théâtre. La conférence performative de Cruz sur les droits de l’homme est devenue de manière inattendue un scénario potentiel pour le nouvel ordre français. Le cortège des émigrants manifestant joyeusement leur altérité disparaît soudain des rues d’Avignon, et donc de l’espace public, pour trouver sa place dans un théâtre sombre et fermé, où ils peuvent désormais se plaindre de leur sort à volonté.
Dans la participation hispanophone, il faut noter l’un des spectacles les plus étranges du festival, Juana.Ficción. C’est une performance vocale et musicale de la chorégraphe espagnole La Ribot, réalisée avec Asier Puga, musicien, chef d’orchestre et directeur artistique du groupe Enigma. Le premier volet de cette histoire a été le spectacle El triste que nunca os vido, créé en 1992 à l’occasion du 500ème anniversaire de la découverte de l’Amérique (ainsi que de la conquête de Grenade et de l’édit d’Isabelle de Castille visant à expulser les Juifs d’Espagne à l’époque). L’héroïne des deux pièces est Jeanne La Folle, fille de la reine Isabelle et de Ferdinand d’Aragon, mariée à Philippe Ier le Beau, que, selon la légende, elle aimait tellement qu’elle a interdit l’enterrement de son cadavre, le faisant voyager à travers tout le pays. Ce récit est particulièrement vivant dans la culture espagnole.
Ainsi que l’a déclaré la créatrice des deux performances, la plus ancienne racontait l’histoire de Jeanne du point de vue du pouvoir et du contrôle exercé sur elle tout au long de sa vie. Le volet montré à Avignon, en revanche, se concentrait davantage sur la forme. Cette fois, le public a pu assister à un récit chorégraphique, créé et dansé par La Ribot, en duo avec l’acteur Juan Loriente, sur de la musique contemporaine composée par Iñaki Estrada, dans une sphère sonore créée par Alvaro Martin, avec des chants offerts à Jeanne La Folle à l’occasion de son mariage avec Philippe, interprétés par la Schola Cantorum Paradisi Portae de Zaragoza Cancionero Juan.
Le plus fascinant, dans cette performance, consistait en l’érosion du théâtre, conçu comme une séquence d’événements scéniques. Le spectacle, qui avait lieu dans la cour du Cloître des Célestins, n’utilisait que la lumière du jour. L’heure avait été choisie de manière à ce que l’un des thèmes principaux devienne une descente précipitée du monde vers l’obscurité. Sont alors apparus les deux personnages : vêtue de costumes inspirés du Jardin des délices de Jérôme Bosch, Jeanne et son fils Charles Quint. Puis, pendant plusieurs dizaines de minutes, nous avons assisté à leur relation compliquée, chorégraphiée d’intéressante façon. Et pour finir, Jeanne tombait de vélo et c’était la chute de l’histoire, avant que l’on assiste à une cérémonie funéraire monotone, interminable, noyée dans la nuit avignonnaise. C’est alors qu’avait lieu l’élément le plus intéressant : la cérémonie se poursuivait et le public, réalisant que le spectacle était terminé, commençait à s’impatienter, devant Jeanne prise au piège de son destin et des histoires le relatant. En s’enfonçant dans les ténèbres, le personnage disparaissait purement et simplement, y compris d’une histoire dont nous, spectateurs, étions aussi partie prenante. Nos réactions ont donc été précieuses, car nous devions nous heurter à la vie de Jeanne, et non au mythe de la légendaire reine d’Espagne, inventé à toutes fins utiles. Nous avons également connu l’expérience concrète de sombrer dans l’obscurité, en même temps que l’héroïne. La vision, certes, était très pessimiste.
Outre le vaste choix de pièces internationales, la partie la plus importante du Festival d’Avignon est bien sûr la présentation du théâtre francophone (soit de France et de Suisse romande), une sorte de vitrine annuelle des meilleurs spectacles et de ceux qui sortent du lot. Parmi les propositions se distingue la pièce Lacrima de Caroline Guiela Nguyen, metteuse en scène et dramaturge française, directrice du Théâtre national de Strasbourg. Sa protagoniste, Marion, cheffe d’atelier de la maison de couture parisienne Béliana, a reçu et raté la commande du siècle, une robe de mariée pour une princesse héritière anglaise. Elle tente de se suicider en prenant sur elle toute la faute. A l’arrière-plan, se dessine la violence conjugale subie par Marion de la part de son mari et l’effondrement de son mariage. Tout commence par une scène où arrive une ambulance. L’action revient alors huit mois en arrière, pour montrer comment on est arrivé à cette situation dramatique. C’est, bien sûr, un prétexte pour aborder plusieurs thèmes d’importance. Le premier, peut-être le plus prégnant, est celui d’une communauté féminine fondée sur l’empathie et la sollicitude.
Outre Marion et sa famille, les personnages sont les dentellières d’Alençon engagées dans la confection de la robe. Elles disent, de leur travail : « Tu passes toute la journée avec un fil plus fin que tes cheveux. On se concentre tellement dessus qu’on oublie souvent de respirer. C’est pourquoi les dentellières se surveillaient les unes les autres. Si l’une d’entre elles ne respirait pas, il fallait lui toucher délicatement l’épaule pour la détourner de son travail et lui dire : « Attention, respire ». Au fur et à mesure que la pièce progresse, il devient évident que cette complicité entre elles est plus forte que les liens familiaux. Marion ne peut faire face à la violence que lorsque l’une des femmes rencontrées par hasard lui tend la main. À Béliana, il n’y avait personne pour l’aider, car même à notre époque, le voile porté par une princesse pendant 27 minutes est plus important que le destin humain ou même la vie. Les contes de fées sur les princesses sont souvent cruels.
Le revers de cette histoire est le destin d’Abdul Ghani, un maître indien qui doit broder deux cent cinquante mille vraies perles sur la robe de la princesse. Puisqu’il s’agit d’une commande de la Couronne royale, donc publique, l’ensemble du processus doit être transparent et légal. Pour le coproducteur indien de la robe et son employé, cela signifie des problèmes. Abdul Ghani a négligé les formalités administratives nécessaires (contrôles de santé) et a par conséquent tout perdu : son emploi tant aimé, sa seule source de revenus et la possibilité d’offrir un avenir meilleur à son enfant. Le monde bureaucratique régi par des lois ne justifie-t-il pas trop facilement le fait de travailler au-dessus de nos forces et de contribuer à une exploitation généralisée ? Une question importante et un grand spectacle, certainement digne de sa renommée.
Une autre production française intéressante était Lieux communs, de Baptiste Amann, par la compagnie bordelaise L’Annexe, basée sur une forme de reconstitution de l’histoire, afin d’aider le public à établir ce qui s’est réellement passé dans le meurtre d’une jeune fille. Les personnages participent de la diversité raciale, ce qui complique non seulement l’histoire elle-même, mais aussi le processus de recherche de la vérité, lequel se trouve immédiatement mêlé à la politique. Baptiste Amann, un artisan de théâtre très habile, répartit l’ensemble en quatre lieux (théâtre, atelier de peintre, commissariat de police, studio de télévision), ce qui permet de construire quatre perspectives différentes. À la fin, il s’avère que nous nous trouvons dans un labyrinthe, en fait, notre « monde commun ». Y avait-il une issue possible ? Il semblait que non, surtout en cette sombre première semaine du Festival d’Avignon.
L’adaptation, par Séverine Chavrier, du roman de William Faulkner, Absalon, Absalon, avec de la Comédie de Genève, a fait l’objet d’une forte promotion. Cette réalisation épique de près de cinq heures, présentée à La Fabrica, a surtout péché par la splendeur byzantine de la mise en scène qui, à un certain moment de la représentation, devenait sa faiblesse. Les acteurs, au lieu de guider le public à travers l’histoire, tentaient d’exécuter, à la sueur de leur front, les idées spectaculaires successives de la metteuse en scène. La production a donc commencé à se mordre la queue. Ce n’est d’ailleurs pas le plus gros problème de Séverine Chavrier, car le vrai problème, on le voit sur scène, est son adaptation du roman de Faulkner. Le grand écrivain américain n’a cessé d’expérimenter la matière littéraire, en utilisant, entre autres, le courant de conscience, des phrases inhabituellement longues, une chronologie des événements perturbée ou des changements fréquents de narrateurs. Ainsi, si Chavrier a pu faire face à la convention scénique sombre et visuellement cohérente dans laquelle elle a plongé toute l’histoire, les méandres de l’intrigue elle-même sont restés trop difficiles pour elle, sans parler de l’équivalent théâtral de tous ces procédés faulknériens.
Après le 7 juillet, tout est donc rentré dans l’ordre, le théâtre a repris ses droits, ce qui a profité aux artistes polonais invités : Marta Górnicka et Krzysztof Warlikowski. Leurs propositions (toutes deux présentées dans la cour du Palais des Papes), ont été généralement saluées et largement commentées. Mothers. A Song for a Wartime de Marta Górnicka du Théâtre Powszechny de Varsovie, composé de 21 femmes ukrainiennes, biélorusses et polonaises âgées de 9 à 71 ans, avec la voix chorale des mères face à la guerre, était déjà présent à Avignon l’année dernière sous forme de lecture. Dans cette édition, elle revient à son tour comme spectacle à part entière, saluée par une ovation debout et la quasi-unanimité de la critique française. Le seul petit bémol dans l’accueil de cette production a été la réaction d’une partie de la diaspora ukrainienne présente à Avignon, qui a boycotté la représentation en raison de la participation d’actrices biélorusses.
Krzysztof Warlikowski a fait venir Elizabeth Costello à Avignon. Sept conférences et cinq contes moraux d’après la prose de J.M. Coetzee, sa dernière production du Nouveau Théâtre de Varsovie. Présenté également le dernier jour du festival, ce spectacle de plus de quatre heures peut aisément être considéré comme le spectacle de clôture de la manifestation avignonnaise. La scène dans laquelle Maja Komorowska, bouleversante, s’enfonce dans l’obscurité pour découvrir ce qu’il y a de l’autre côté est l’un des plus beaux épilogues possibles de ce festival de théâtre. Heureusement, on ne se demande pas ce que cela pourrait signifier dans la nouvelle réalité nationaliste de la France de Le Pen. Et qu’il en soit ainsi.
LXXVIIIe Festival d’Avignon
29 juin – 21 juillet 2024